Ellen G. White, Testimonies for the Church, vol. 2, pp. 594-597.
Etant à Battle Creek, en août 1868, je rêvais que je faisais partie d’un grand groupe. Une partie de cette assemblée était prête à voyager et se mettait en route. Nous avions des chariots lourdement chargés. Comme nous voyagions, le chemin semblait monter. D’un côté de ce chemin il y avait un précipice profond, de l’autre côté il y avait une haute muraille, lisse et blanche, ressemblant aux murs en dur des chambres plâtrées.
A mesure que nous avancions, le chemin devenait plus étroit et plus escarpé. A certains endroits il paraissait si étroit, que nous avons conclu ne plus pouvoir voyager avec des chariots chargés. Nous les avons déchargés et, avons pris une partie des bagages que nous avons mis sur les chevaux, puis nous avons continué d’avancer à cheval.
Comme nous progressions, le chemin devenait de plus en plus étroit. Nous étions obligés de passer très près de la muraille pour ne pas tomber du chemin étroit dans le précipice escarpé. Mais ce faisant, les bagages sur les chevaux pressaient contre la muraille et nous poussaient vers le précipice. Nous avions peur de tomber et de nous écraser sur les rochers. Nous avons alors déchargé les bagages et ils sont tombés dans le précipice. Nous avons continué à cheval, tout en ayant très peur de perdre notre équilibre et de tomber lorsque nous atteignions les endroits les plus étroits du sentier. A de tels moments, il nous semblait qu’une main prenait la bride et nous guidait sur le chemin périlleux.
Le sentier devenant encore plus étroit, nous avons décidé d’abandonner les chevaux, car nous n’étions plus en sûreté à cheval ; ainsi nous avons continué à pied en file indienne, l’un suivant les traces de l’autre. C’est alors que des cordes sont descendues du haut de la muraille blanche ; nous nous en sommes emparés avidement, afin qu’elles nous aident à garder notre équilibre sur le sentier. Comme nous allions de l’avant, la corde se déplaçait avec nous. Finalement le sentier devenait si étroit, que nous sommes parvenus à la conclusion que nous pourrions avancer plus sûrement sans nos chaussures ; nous les avons donc enlevées et avons parcouru une certaine distance sans chaussures. Bientôt il fut décidé qu’il nous serait plus sûr d’avancer sans nos bas ; nous les avons enlevés et nous avons continué pied nus.
Alors nous avons pensé à ceux qui ne s’étaient pas habitués aux privations et aux souffrances. Où étaient-ils maintenant ? Ils n’étaient pas dans le groupe. A chaque changement, certains avaient été laissés en arrière et seuls restaient ceux qui s’étaient accoutumés à endurer des souffrances. Les privations du chemin les rendaient d’autant plus impatients d’aller jusqu’au bout.
Notre danger de tomber du sentier, augmentait. Nous nous serrions contre la muraille blanche mais nous ne pouvions pas placer nos pieds complètement sur le sentier, car il était trop étroit. Alors nous nous sommes suspendus aux cordes de presque tout notre poids en nous exclamant : “Nous avons un appui d’en-haut ! Nous avons un appui d’en-haut !” Les mêmes paroles étaient exprimées par tout le groupe sur le sentier étroit. En entendant des bruits de rires et de festivités, semblant provenir du fond de l’abîme, nous avons eu des frissons. Nous entendions des serments profanes, des plaisanteries vulgaires et des chants vils et triviaux. Nous entendions des chants de guerre et de danse. Nous entendions de la musique instrumentale et des rires bruyants entremêlés de malédictions et de cris d’angoisse, ainsi que d’amères lamentations et nous étions encore plus anxieux que jamais de rester sur le sentier étroit et difficile. La plupart du temps nous étions obligés de nous suspendre aux cordes de tout notre poids et leur dimension augmentait alors que nous progressions.
Je remarquais que la belle muraille blanche était tachée de sang. Cela suscitait un sentiment de regret de voir la muraille ainsi tachée. Toutefois, ce sentiment ne dura qu’un moment, car je pensais immédiatement que tout était comme il le fallait. Ceux qui suivraient sauraient que d’autres sont passés par le chemin étroit et difficile avant eux et en concluraient que si d’autres ont été capables de poursuivre leur marche en avant, ils pouvaient faire de même. Et quand leurs pieds douloureux saigneraient, ils ne faibliraient pas sous le découragement mais, voyant le sang sur la muraille, ils sauraient que d’autres ont enduré la même souffrance.
Enfin nous sommes arrivés à un grand gouffre, marquant la fin de notre sentier. Il n’y avait maintenant plus rien pour guider les pieds, plus rien qui puisse leur servir d’appui. Notre confiance entière devait être dans les cordes, elles avaient d’ailleurs augmenté de volume jusqu’à être aussi grosses que nos corps. A cet endroit nous avons été pendant un moment perplexes et dans la détresse. Nous nous sommes demandé en chuchotant anxieusement : “A quoi la corde est-elle attachée ?” Mon mari était juste devant moi. De grosses gouttes de sueur tombaient de son front, les veines de son cou et de ses tempes avaient doublé de volume et des gémissements étouffés et angoissés s’échappaient de ses lèvres. La sueur coulait de mon visage et j’éprouvais une angoisse telle que je n’en avais jamais ressentie auparavant. Une lutte terrible nous attendait. Si nous échouions ici, toutes les difficultés de notre voyage auraient été en vain.
Devant nous de l’autre côté du gouffre, il y avait un beau champ d’herbe verte, ayant environ quinze centimètres de hauteur. Je ne voyais pas le soleil, mais de brillants et doux rayons de lumière, ressemblant à de l’or et de l’argent qui illuminaient ce champ. Rien de ce que j’avais vu sur la terre, ne pouvait être comparé en beauté et en gloire à ce champ. Mais, Parviendrons-nous à l’atteindre ? telle était la question angoissée. Au cas où la corde se briserait, nous devrions périr. A nouveau des chuchotements angoissés étaient émis comme dans un souffle : “Qu’est-ce qui retient la corde ?” Un moment nous avons hésité à tenter l’aventure. Alors nous nous sommes exclamés : “Notre unique espoir consiste à nous confier entièrement aux cordes, elles ont constitué notre secours pendant le chemin difficile. Elles ne nous feront pas défaut maintenant”. Malgré tout nous hésitions, nous étions dans la détresse. Nous avons alors prononcé ces paroles : “Dieu tient les cordes. Nous n’avons pas à craindre”. Ces mots étaient aussi répétés par ceux qui étaient derrière nous en y ajoutant : “Il ne nous abandonnera pas maintenant. Il nous a conduit jusqu’ici en toute sécurité”.
Alors mon mari s’est balancé par-dessus l’affreux précipice vers le beau champ au-delà. J’ai suivi immédiatement. Oh, quel sentiment de soulagement et de gratitude nous ressentions envers Dieu ! J’entendais des voix s’élevant en louanges triomphantes vers Dieu. J’étais heureuse, parfaitement heureuse.
Je me réveillais et l’angoisse éprouvée à passer sur la route difficile me donnait l’impression que chaque nerf de mon corps tremblait. Ce rêve ne nécessite aucun commentaire. Il m’a fait une telle impression que chaque détail de ce rêve restera vivace dans mon esprit aussi longtemps que ma mémoire demeurera.